Contact us
La réforme du franc CFA, une réforme ou un repositionnement des acteurs sur l’échiquier ?
Actualités

La réforme du franc CFA, une réforme ou un repositionnement des acteurs sur l’échiquier ?

Stéphane MORTIER

25 May 2020

Le projet de loi n°2986 autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des États membres de l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA) est passée à la vitesse supérieure, présenté par Jean-Yves LE DRIAN, ministre de l’Europe et des affaires étrangères au nom d’Édouard PHILIPPE, Premier Ministre, le 22 mai 2020 vise à entériner le-dit Accord, signé à Abidjan le 21 décembre 2019.

En substance, c’est donc l’Accord du 21 décembre 2019 et ses implications qui importent ici. Avant tout il convient de spécifier que ni la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale ni les Comores ne sont concernés. C’est pourtant, probablement, le mille-feuille des institutions régionales qui a conduit à ce projet de réforme. En effet, depuis quelques années, l’idée d’une monnaie unique à l’échelle de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), plus large que l’Union Économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Cette volonté implique une révision de l’Accord liant les États membres de l’UMOA et la République française, ne fut-ce que par expression de souveraineté des États n’ayant soit aucun lien historique avec la France soit leur monnaie propre.

Des discussions ont alors été entamées entre la France et les membres de l’UMOA en 2019 en vue d’une réforme reposant sur 4 axes :

  • le changement de nom de la devise (de franc CFA à ECO) ;
  • la suppression de l’obligation de centralisation des réserves de change sur le compte d’opérations au Trésor français ;
  • le retrait de la France des instances de gouvernance de la Zone ;
  • la mise en place concomitante de mécanismes ad hoc de dialogue et de suivi des risques.

Ces 4 axes sont le cœur de la réforme que le projet de loi français du 22 mai 2019 entend entériner. Concernant le changement de nom de la devise, il semble tout à fait logique. En effet, si les six États membres de la CEDEAO, non-membres de l’UEMOA, rejoignent ces derniers pour partager un projet de monnaie unique, la sémantique et la symbolique du franc CFA serait une aberration. Le franc CFA, s’il s’agit bien depuis 1958 du franc de la communauté financière en Afrique, de sa création en 1945 à 1958, il s’agissait du franc des colonies françaises d’Afrique : CFA et CFA. Il va sans dire que la connotation coloniale est restée, dans l’imaginaire collectif d’une part mais dans la réalité également, particulièrement présente au travers de cette monnaie. En quoi des États comme le Cap-Vert ou encore le Sierra-Leone par exemple auraient dû accepter cet héritage sémantique controversé ? Bref, le contenu du premier axe est une logique implacable qu’il aurait été totalement inconvenant de détourner. Cependant, il ne s’agit pas de crier victoire trop rapidement, l’ECO ne sera possible que si l’ensemble des États parties respectent les critères de convergences déterminé par la CEDEAO soit :

  • déficit inférieur à 3 % du produit intérieur brut (PIB) ;
  • inflation inférieure à 10 % ;
  • dette inférieure à 70 % du PIB ;
  • des indicateurs fiscaux (recettes fiscales consacrée à la masse salariale inférieures ou
    égales à 35% et taux de pression fiscale supérieur ou égal à 20% du PIB).

C’est cette dernière catégorie de critères qui pose problème puisque, fin 2019, seuls le Niger, le Sénégal et le Togo respectent le premier des deux critères fiscaux ; seul le Togo respecte le second de ces critères.

De plus, politiquement, le Nigeria, qui s’était déjà illustré en janvier 2020 en choisissant unilatéralement le nom ECO pour la future monnaie unique, tend à repousser l’échéance de la création de l’ECO, initialement prévue en juillet 2020, sur base de l’argument du non-respect des critères de convergences par plusieurs États.