
Financement du terrorisme : quatre manières dont les djihadistes gagnent de l’argent en Afrique de l’Ouest
Depuis les années 1990, la région de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel connaît une prolifération de groupes islamistes militants.
L’un des groupes les plus violents opérant dans la région est le Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans). Ce groupe militant est apparu en 2017 en Algérie et au Mali, et a pris pour cible les populations civiles.
L’ONU a classé ce groupe comme affilié à Al-Qaïda en 2018. Al-Qaïda est une organisation islamiste fondée par Oussama ben Laden dans les années 1980.
L’indice mondial du terrorisme 2024 a classé Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin parmi les organisations terroristes les plus dangereuses au monde. Son influence s’est étendue dans la plupart des régions du Sahel. Le groupe a émergé pour renforcer l’insurrection djihadiste sous la houlette d’Al-Qaïda. Il combine violence et diplomatie pour étendre son influence et défier les autorités étatiques.
Malgré la pression croissante des campagnes de lutte contre le militantisme menées par les armées locales, régionales et internationales, Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin continue de survivre et de s’adapter en se regroupant et en se réorganisant. Cela a été démontré lors de sa dernière opération au Burkina Faso en 2024. Il a réussi à fermer des écoles, installer des postes de contrôle pour taxer la population, et enlever des civils.
Son implication dans des activités économiques illicites a joué un rôle clé dans son expansion. L’argent récolté permet de financer ses attaques.
Nos recherches sur les insurrections djihadistes montrent qu’il s’agit d’une tactique courante utilisée par d’autres groupes comme Boko Haram.
D’après nos recherches, Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin finance ses activités en s’appuyant sur
- l’exploitation minière artisanale;
- les enlèvements;
- le vol de bétail;
- le blanchiment d’argent.
Le démantèlement des économies illicites du groupe et le blocage de ses flux financiers sont essentiels pour contrer ses activités.
Ressources financières
Le groupe a besoin d’argent pour se battre et maintenir son influence politique et sociale dans ses zones d’opération.
L’exploitation artisanale de l’or constitue un facteur majeur de son expansion et de sa résilience. Dans les zones où le groupe exerce son influence, l’exploitation illicite de l’or génère plus de 30 milliards de dollars américains par an. Selon un rapport de Swissaid, une ONG spécialisée dans la coopération au développement basée en Suisse, les principales destinations de cet or sont les Émirats arabes unis, la Turquie et la Suisse.
Les djihadistes ont accès à l’or en prenant le contrôle des sites miniers et les voies de transport vers et depuis les mines. Ils permettent à des alliés de confiance, notamment des groupes armés locaux, des bandits et d’autres réseaux criminels, d’exploiter les mines en échange d’une rémunération. Bien que l’ampleur exacte des revenus reste incertaine, les sites artisanaux situés dans les zones contrôlées par le groupe peuvent produire jusqu’à 725 kilogrammes d’or par an, soit une valeur de 34 millions de dollars américains.
Les enlèvements contre rançon constituent une autre source de revenus et d’influence politique. Les victimes d’enlèvements sont notamment des éleveurs, des hommes d’affaires, des fonctionnaires et des étrangers. Le groupe a reçu une rançon de 30 millions de livres sterling en 2020 pour libérer une otage française et deux italiens.
Entre 2017 et 2023, le groupe et ses alliés ont commis 845 enlèvements sur environ 1 100 recensés au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Le Burkina Faso et le Mali restent l’épicentrE des activités violentes du groupe. Au cours du premier trimestre 2023, plus de 180 cas d’enlèvements ont été signalés dans les zones déchirées par la guerre dans ces pays.
Le vol de bétail est également une source de fonds cruciale. Cette pratique, utilisée comme arme économique, consiste à saisir le bétail des éleveurs qui refusent de payer la zakat (une taxe religieuse) ou d’adhérer à l’idéologie du groupe. Les animaux volés sont vendus au Mali, en Mauritanie ou au Sénégal. Cette activité alimente l’économie de guerre au Sahel et fournit de l’argent pour acheter des armes et des véhicule
Le blanchiment d’argent est une autre activité clé pour financer le groupe. Il prête de l’argent à des commerçants, investit dans des banques et finance de petits magasins dans le but de réaliser des profits. Cela lui permet de maintenir un flux d’argent régulier pour financer ses opérations terroristes. Il accorde une grande importance à cette économie illicite, et n’hésite pas à assassiner ceux qui menacent ses investissements.
Solution
Pour affaiblir Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin, il faut réduire ses sources de financement. Cela permettrait de diminuer sa capacité à mener des actions violentes. Voici les mesures de contre-insurrection à envisager :
- Les acteurs gouvernementaux chargés de la sécurité doivent collaborer avec les milices locales d’autodéfense pour encadrer l’exploitation minière artisanale et contrecarrer les enlèvements.
- Les cellules de renseignement financier doivent identifier les commerçants qui reçoivent de l’argent du groupe militant afin de bloquer les flux de fonds illicites.
- Des tribunaux spécialisés dans les affaires de blanchiment d’argent et de financement du terrorisme devraient être créés et rendus opérationnels au Burkina Faso et au Mali, épicentres des activités du groupe.
- Le Burkina Faso et le Mali devraient renforcer la sécurité des civils afin de minimiser les pertes civiles lors d’opérations terroristes.
Puisque l’argent est le nerf de la guerre pour ce groupe, il est essentiel de renforcer la coopération régionale en matière de sécurité. Cela permettra de traquer systématiquement les flux illicites et de les stopper.
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