Par Dadou MOANO, Représentant pays RDC
L’Afrique centrale et australe sont devenues le théâtre d’une confrontation inédite entre les États-Unis et la Chine, deux puissances qui se disputent le contrôle des corridors logistiques vitaux pour l’économie mondiale. La RDC, l’Angola, la Zambie et la Tanzanie se trouvent au cœur de ce jeu géopolitique et géoéconomique, où chaque acteur cherche à maximiser ses gains.
Les corridors comme instruments de puissance
Le corridor de Lobito, soutenu par Washington et financé à hauteur de 500 millions USD via la Banque mondiale, relie la RDC, l’Angola et la Zambie au port de Lobito sur l’Atlantique.
Le corridor TAZARA, modernisé grâce à un accord de 1,4 milliard USD signé entre la Chine, la Zambie et la Tanzanie, relie la Copperbelt zambienne au port de Dar es-Salaam sur l’océan Indien.
Ces deux projets ne sont pas de simples infrastructures : ils incarnent une stratégie globale de sécurisation des flux de minerais critiques (cobalt, cuivre, lithium), indispensables à la transition énergétique et aux industries de défense.
Les gains géopolitiques et géoéconomiques
Pour les États-Unis, le corridor de Lobito est une manière de réduire la dépendance aux chaînes d’approvisionnement dominées par la Chine et de sécuriser un accès direct à l’Atlantique, moins exposé aux tensions géopolitiques.
Pour la Chine, le TAZARA est un prolongement de son influence historique en Afrique et un moyen de consolider son rôle de premier investisseur minier en RDC, tout en garantissant une sortie vers l’océan Indien.
Pour la RDC, l’Angola et la Zambie, ces projets représentent une opportunité de diversification des partenaires, de modernisation des infrastructures et de renforcement de leur souveraineté économique.
La stratégie des acteurs régionaux
La RDC est le pivot, car elle détient une part majeure des minerais critiques mondiaux. Elle devient le champ de bataille où se joue l’avenir énergétique et technologique de la planète. L’Angola, grâce à son port de Lobito, se positionne comme la porte d’entrée vers l’Atlantique et gagne en importance stratégique.
La Zambie, au carrefour des deux corridors, tire profit de sa position géographique pour négocier avec les deux puissances. La Tanzanie, avec Dar es-Salaam, renforce son rôle de hub maritime vers l’océan Indien.
La sécurisation des routes maritimes
L’enjeu secondaire mais crucial pour Washington et Pékin est de sécuriser les routes d’exportation.
Les sorties atlantiques et indiennes via Lobito et Dar es-Salaam sont moins exposées aux piratages et aux tensions géopolitiques que les routes passant par la Corne de l’Afrique, où les navires pétroliers et commerciaux subissent régulièrement des attaques et des perturbations.
En contrôlant ces corridors, les deux puissances appliquent une logique proche de la théorie de Mahan, qui insistait sur le contrôle des points d’accès géographiques pour dominer les flux économiques mondiaux.
Une première mondiale
Jamais auparavant une telle rivalité n’avait pris forme autour de corridors terrestres et maritimes en Afrique, avec des financements massifs et une implication directe des deux plus grandes puissances économiques.
C’est une première mondiale, où la bataille pour les minerais critiques se traduit par une compétition d’infrastructures transcontinentales.
L’Afrique, longtemps considérée comme périphérique dans les grandes stratégies globales, devient le centre névralgique de la guerre économique du XXIᵉ siècle.
En définitive, la RDC et ses voisins ne sont plus de simples fournisseurs de matières premières : ils sont devenus des acteurs stratégiques dans une confrontation mondiale qui redéfinit les équilibres géopolitiques et économiques. Les corridors de Lobito et TAZARA marquent l’entrée de l’Afrique dans une nouvelle ère, où le contrôle des accès géographiques et des ressources vitales façonne l’avenir de la planète.