
La propriété intellectuelle et son rôle stratégique dans le développement du continent africain
En signant à Kigali, le 21 mars 2018, l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECaf), les États membres de l’Union africaine ont franchi un pas décisif dans le processus d’implémentation de la Communauté économique africaine. Le seuil minimum des dépôts des instruments de ratification ayant été atteint, la date prévue pour son entrée en vigueur effective était fixée au 7 juillet 2020.
Si l’on se met égrainer le chapelet des vœux émis par les signataires dudit Accord et à scruter les objectifs généraux et spécifiques qu’ils sont déterminés à atteindre, il y a lieu de comprendre le fondement des espoirs suscités par cette nouvelle institution du système de l’Union africaine. Dans cette quête de l’intégration des marchés africains en une zone unique, la ZLECaf est appelée à servir de cadre en vue de l’établissement de règles claires, transparentes, prévisibles et matériellement avantageuses pour régir, entre autres, la politique de concurrence et la propriété intellectuelle. Cependant, il convient de noter, de prime abord, que la ZLECaf naît sur un terrain où foisonnent des communautés économiques régionales (CER) qui se chevauchent ; chacune tenant mordicus au maintien de ses attributions normatives qu’elle défend farouchement, à la fois, contre les velléités souverainistes des États et les assauts d’autres organisations intergouvernementales.
Relativement au régime de la propriété intellectuelle, l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) n’a réussi qu’à gagner les âmes de dix-sept des cinquante-quatre pays d’Afrique au bout de près soixante ans d’existence. Et bien que la quasi-totalité des États membres de l’OAPI (seize sur dix-sept) constituent aussi la quasi-totalité des membres de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (OHADA) – soit encore, seize États sur dix-sept – ces derniers préfèrent maintenir le droit de la propriété intellectuelle en dehors du champ d’application du droit OHADA. Pourtant, l’OHADA est une institution qui a fait ses preuves en matière de production juridique aussi bien sur le plan de l’élaboration des règles que sur celui de la recherche et de la pratique du droit des affaires. C’est ainsi qu’à l’aube du lancement effectif de la ZLECaf, et considérant le statut juridique, les missions et l’expérience de l’OHADA
dans la mise en œuvre des politiques de promotion des investissements et la sécurisation des affaires, il nous paraît opportun de penser à l’uniformisation du droit de la propriété intellectuelle, suivant le modèle de l’OHADA, pour poser les bases d’un système efficient de promotion et de protection des droits de la propriété intellectuelle en Afrique.
En somme, et pour poser les bases d’une ZLECaf où les biens et les services circulent librement et vers laquelle convergent un flux considérable d’investissements, les États membres de l’Union africaine doivent reconsidérer leurs options actuelles en matière de promotion et de protection des droits de la propriété intellectuelle. Mais étant donné que l’OHADA est un modèle de production juridique qui a fait ses preuves, les États africains – en commençant par ceux qui sont à la fois membres de l’OAPI et de l’OHADA – ont la possibilité de marquer l’histoire de la ZLECaf en opérant une première intégration de ces deux communautés économiques régionales pour en faire de solides piliers susceptibles de soutenir l’édifice de cette nouvelle de zone de libre-échange.
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